Comment l’IoT fait émerger des usages (parfois inattendus) sur tous les segments de marché
Tous les segments de marché, que ce soit dans le domaine du B2B ou du B2C sont concernés par l’Internet des Objets. Même si le buzz actuel concerne d’avantage les wearables et la maison connectée, les secteurs de l’industrie et de la santé sont probablement les plus matures en matière d’utilisation d’objets connectés. D’autres secteurs, comme l’automobile par exemple, vont bénéficier dans les années à venir d’un développement très important lié aux objets connectés.
Dans cet article, nous allons étudier comment l’internet des objets va révolutionner les différents marchés verticaux du B2B.
Si tous les segments sont concernés, le niveau de maturité varie énormément d’un secteur à l’autre, comme l’indique la figure 1.
Figure 1: maturité de l’IoT dans les principaux verticaux du B2B (Cap Gemini, 2014)
Industrie
L’industrie a probablement été le premier secteur à tirer profit des technologies M2M et IoT, initialement dans une optique de réduction des coûts, et dans une moindre mesure pour fidéliser les clients et créer de nouveaux flux de revenus.
Quelques exemples
- Le groupe italien Sorin, qui est spécialisé dans l’instrumentation médicale, utilise des sensors pour surveiller à distance le fonctionnement de ses pacemakers
- Le groupe Cotecna, spécialisé dans les services d’inspection et de certification, utilise l’IoT pour localiser et tracer des marchandises circulant près des frontières d’état
- Coca Cola utilise l’IoT pour optimiser les livraisons à destination de son réseau de revendeurs
Agriculture
L’IoT déclinée dans le monde agricole permet aux fermiers d’améliorer leur productivité et de faciliter bon nombre de tâches quotidiennes. Certaines exploitations utilisent ainsi des sensors qui analysent l’humidité des feuilles, le pH du terrain et la pression atmosphérique.
Quelques exemples
- La start up Fruition Sciences a créé des sondes et un logiciel qui fournissent aux vignerons des informations détaillées sur les conditions optimales de vinification.
- Orange a signé un partenariat avec la société néerlandaise Dacom, qui fournit des sondes qui analysent l’état des sols ainsi que d’autres paramètres environnementaux afin d’optimiser les récoltes. Orange fournit l’infrastructure M2M et le portail permettant d’administrer ces sondes.
Maison intelligente
Le marché de la maison intelligente peut être divisé en 3 sous marchés :
- la gestion de l’énergie
- la sécurité de l’habitat
- les services fournis par des ‘set top boxes’ (les box fournies par les opérateurs)
Alors que la notion de maison connectée avait été développée initialement autour des bénéfices liés aux économies d’énergie et à la sécurité de l’habitat, de nombreux nouveaux types d’objets connectés sont apparus dernièrement pour apporter des services additionnels en ce qui concerne les loisirs et le confort de l’habitat.
De véritables innovations sont en train d’émerger dans ces dernières catégories, au-delà de l’ajout d’une brique de connectivité à des objets existants. Par exemple, le Cube, qui a été développé en Slovénie, utilise de multiples capteurs mesurant la température, la qualité de l’air, le taux d’humidité, le bruit, la pression atmosphérique et les mouvements des personnes. Si certaines conditions ne sont pas optimales, les utilisateurs sont alertés notamment par des signaux lumineux émis par le Cube.
La maison sécurisée est une tendance qui se développe beaucoup depuis 2014. De nombreux nouveaux systèmes sont apparus récemment, tel que Goji, une serrure connectée couplée à une caméra de surveillance. Chaque utilisateur peut déverrouiller la serrure avec un mot de passe personnalisé et le système est paramétrable depuis un simple smartphone.
Selon Gartner, la maison connectée de 2020 pourrait disposer de plus de 500 équipements connectés différents : multiples écrans, ustensiles de cuisine, appareils ménagers, système de gestion de la sécurité… Ce qui est certain, c’est que la maison connectée est un marché qui n’en n’est qu’à ses débuts. Un problème clé à résoudre concerne l’interopérabilité de tous ces systèmes et l’unification des interfaces de contrôle de tous ces objets connectés.
Smart Cities
Les technologies dérivées du big data sont de plus en plus utilisées pour améliorer et optimiser le fonctionnement de nos grandes villes. Grâce à l’utilisation de sensors répartis en divers points stratégiques de la ville, il est possible de recueillir et de corréler tout un ensemble d’informations relatives à la circulation routière, aux flux piétons, aux conditions météorologiques… En agrégeant et corrélant toutes ces données, il est possible d’améliorer grandement le fonctionnement de nos grandes villes:
- Meilleure gestion des trafics routiers et piétons
- Meilleure gestion des situations de crise (inondations, tremblement de terre…)
- Optimisation de la gestion énergétique de la ville (notamment au niveau des éclairages publics)
- Meilleure gestion du gaspillage et des déchets
Véhicules connectés
La voiture connectée est probablement un des segments de marché de l’IoT qui nourrit le plus d’ambition, voire de fantasmes.
De nombreux types de services peuvent être envisagés grâce aux objets connectés :
- Services d’urgence. En Europe, l’initiative autour du projet eCall (appel d’urgence) devrait contribuer à développer le marché de la voiture connectée. D’ici 2017, tout nouveau véhicule particulier produit devra être équipé d’un système permettant d’appeler automatiquement le service d’urgence 112 en cas de nécessité.
- Navigation
- Diagnostique et maintenance (communications avec les constructeurs et les garages)
- Assistance
- Loisirs et accès internet
- Sécurité et aide à la récupération d’un véhicule volé
- « pay as you drive». De plus en plus d’assureurs proposent d’adapter leurs polices d’assurance en fonction des habitudes de conduite des assurés et de leur qualité de conduite. En mesurant ces paramètres et en les partageant avec les assureurs, un système IoT peut également contribuer à optimiser les coûts d’assurance. Cette approche est parfois désignée par l’acronyme UBI (Usage Based Insurance)
L’intelligence est généralement fournie par un ensemble de capteurs connectés qui sont répartis en différents endroits du véhicule et qui communiquent via une carte SIM, voire qui peuvent être externes au véhicule. Par exemple, Renault a dévoilé en 2014 le prototype de Kwid, un objet connecté du véhicule qui se présente sous la forme…d’un drone géostationnaire. Contrôlé par une tablette depuis le véhicule, Kwid analyse les conditions de trafic de proximité et alerte le conducteur en cas de bouchon, d’objets égarés sur la chaussée ou de piétons à proximité.
Le rôle des opérateurs dans l’écosystème du véhicule connecté
En ce qui concerne le marché des véhicules connectés, les opérateurs vont jouer un rôle clé dans la mesure où un élément essentiel dans la chaine de valeur consiste à s’assurer que le véhicule est en permanence connecté à un réseau qui véhiculera les données issues des services mentionnés précédemment. La qualité et la couverture de la connectivité sont ici deux éléments cruciaux : un service d’urgence tel que eCall doit être accessible sur tout le territoire et en permanence. Une disponibilité de 99,9% est insuffisante !
On comprend mieux pourquoi les telcos investissent de plus en plus dans le domaine de la connectivité des objets connectés (comme Bouygues et Orange autour de l’initiative Lora par exemple) ou pourquoi certaines start ups se sont créées ces dernières années dans le seul but de créer des infrastructures de communications dédiées aux objets connectés (Sigfox, Actility, Qowisio…). Les opérateurs sont d’autant plus intéressés par le marché des véhicules connecté que cela leur permet également de vendre d’avantage de carte SIMs, et d’augmenter l’ARPU de leurs clients grâce à leurs véhicules, qui devient un prolongement du smartphone…
Quelques initiatives de marché
- Verizon a acquis Hughes Telematics mi 2012 afin de commercialiser tout un ensemble de services de télématique pour les voitures connectées, services que l’opérateur commercialise sur différents canaux, y compris les constructeurs automobiles et les assureurs
- En 2012, Sprint s’est comporté comme un intégrateur de système pour Chrysler et son offre Uconnect en développant la plateforme Velocity
- Orange a développé un partenariat avec Tesla en France pour équipe de carte SIM de l’opérateur tous les modèles de la gamme circulant en France. L’opérateur a d’ailleurs acquis en 2015 la société Ocean, spécialisée dans la gestion de flottes de véhicules professionnels.
- Vodafone est particulièrement actif dans le domaine de l’assurance automobile en Europe et Afrique du Sud, notamment via sa filiale spécialisée Vodacom
- Telefonica a créé un partenariat avec Generali en Italie pour proposer le service “pagocomoconduzco” (payez comme vous conduisez)
Figure 2 : le marché de la voiture connectée en quelques chiffres
Commerce de proximité
Le commerce de proximité est un secteur qui a beaucoup souffert ces dernières années face au développement des marques et des grands groupes de distribution. L’arrivée de l’Internet des objets pourrait leur permettre de rééquilibrer la donne en fournissant au détaillant (et à ses clients) tout un ensemble de bénéfices :
- Meilleure gestion des stocks
- Meilleure gestion des boutiques
- Meilleur connaissance des habitudes des clients
- Optimisation des zones de chalandises
- Amélioration du parcours client et fidélisation
Les technologies de type ‘beacon’ sont particulièrement adaptées au marché du commerce de détail. Pour rappel, un beacon est un objet connecté qui diffuse dans son environnement immédiat (le plus souvent via un signal Bluetooth) un identifiant unique qui sera ensuite reconnu par le smartphone de l’utilisateur final. Les prérequis à l’utilisation de ces technologies impliquent que (1) l’utilisateur final ait activé Bluetooth sur son téléphone et (2) qu’il ait installé une application qui soit compatible avec le système beacon du commerçant (il n’existe malheureusement pas encore de standard d’interopérabilité autour du beacon). Moyennant ces 2 conditions, il est possible d’imaginer une multitude de cas d’usage.
- Le commerçant peut mieux appréhender le parcours client au sein de sa boutique. Couplé à une plateforme de type big data, il pourra même optimiser la répartition des produits au sein des rayonnages
- Le commerçant peut analyser les habitudes de fréquentation de sa boutique par ses clients et prospects. Il peut également optimiser le fonctionnement intrinsèque de sa boutique en fonction des périodes de fréquentation les plus importantes, par exemple en diminuant l’éclairage la température en dehors de ces périodes
- Le commerçant peut fidéliser les clients qui utilisent son beacon en proposant un système de points convertibles par exemple
- Le beacon permet de notifier les clients circulant dans la zone de chalandise (une vingtaine de mètres autour de la boutique) de la présence d’évènements spéciaux: happy hours, ventes flash…
Cette approche est particulièrement intéressante quand plusieurs commerçants s’associent pour créer un quartier connecté et développent ainsi une valeur ajoutée supplémentaire pour le client final. C’est ce qui a été mis en place par l’association des commerçants de la rue des Martyrs à Paris, avec le soutien de la CCI (http://www.objetconnecte.com/ma-rue-connectee-revolution-pour-commerce-de-proximite/).
L’internet des objets permet ainsi au commerçant d’améliorer l’expérience et le parcours d’achat de ses clients en favorisant le développement de stratégies ‘web to store’ ou ROPO (Research Online, Purchase Offline) et renforce la notion de proximité.
Santé
Le coût lié aux dépenses de santé devient de plus en plus préoccupant dans beaucoup de pays. Depuis plusieurs années, les gouvernements ont mis en place des politiques pour prévenir par exemple les risques d’obésité ou pour prévenir les accidents domestiques.
Les objets connectés de type ‘wearables’ peuvent d’avérer très utiles dans ce genre de situation. Le terme wearable désigne ici un objet que l’on porte sur soi (bagues, bracelets, montres, capteurs intégré dans des vêtements…). Le terme ne disposant pas encore d’un équivalent en français (l’académie française planche sur le sujet), je continuerai à utiliser cet anglicisme.
Un wearable peut permettre par exemple de surveiller de potentielles conditions de dépendance chez les personnes âgées. En monitorant les paramètres vitaux de la personne, il est possible de traiter plus rapidement, des personnes âgées qui seraient en difficulté. Cette même approche peut s’étendre aux personnes atteintes de maladies chroniques, comme les diabétiques par exemple.
Une autre conséquence intéressante est que si on surveille les signaux vitaux d’une personne avec un tel système, il n’est plus nécessaire de la garder aussi longtemps dans un hôpital à de seules fins de surveillance. En réduisant ainsi les durées d’hospitalisation inutiles, ce sont des centaines de millions qui pourraient être économisées par la sécurité sociale.
Quantified Self
Le terme Quantified Self (QS) a été introduit en 2007 par deux éditeurs du magazine Wired. Tout comme pour le terme wearable, il n’existe pas vraiment de traduction officielle en français. Le Quantified Self désigne l’ensemble des moyens qu’un individu utilise pour évaluer sa condition physique globale. Le marché du Quantified Self peut être divisé en deux sous segments de marché :
- Le sport
Historiquement ce sont les personnes qui ont une pratique régulière du sport qui ont été les précurseurs du QS. Elles ont ainsi adopté tout un ensemble d’objets et de systèmes qui leur permettent non seulement de suivre leurs performances sportives mais aussi de se benchmarker : cardio-fréquencemètre, applications de suivi des itinéraires de jogging, baskets connectées, applications de suivi des calories consommées… Depuis peu, de nombreux fabricants d’équipements sportifs ont élaboré des versions connectées d’accessoires de sport classiques afin de permettre aux sportifs de mieux analyser leurs performances : c’est ainsi que sont apparus en 2014 et 2015, des ballons de foot connectés, des raquettes de tennis connectées, des balles de golf connectées…Ce qui était réservé à des sportifs professionnels il y a quelques années devient accessible au plus grand nombre à présent.
- Le bien être
Les objets connectés liés au QS sont probablement ceux qui sont le plus connus du grand public et permettent aujourd’hui de mesurer tout un ensemble de paramètres pour un coût devenu compétitif : balances connectées, analyse du rythme cardiaque, de la tension, analyse de la qualité du sommeil, mesure de l’oxygène dans le sang, nombre de pas parcourus, d’étages montés dans la journée… les fabricants d’objets ne sont limités que par la rapidité d’adoption des nouveaux usages. Même si le marché primaire du QS reste le B2C, le B2B n’est pas épargné non plus. Aux Etats Unis, certaines sociétés fournissent ainsi à leurs employés des wearables dans le cadre de programmes de bien être afin de stimuler leur productivité et de prévenir l’apparition de conditions de stress au travail.
Le nombre d’acteurs se positionnant sur le marché de l’IoT ces dernières années est réellement impressionnant. Le diagramme ci-dessous présente les principales sociétés proposant des solutions IoT par catégories.
Figure 3 : panorama de l’internet des objets
La synthèse ci-dessous récapitule les principaux cas d’usage de l’internet des objets appliqués aux segments de marché décrits précédemment.
Synthèse
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